Mali : la résolution de la crise ne passera pas que par les fusils
En 2012, la France volontaire s’était présentée comme le bras armé de la communauté internationale qui tardait à intervenir au Mali, alors que les autorités nationales appelaient désespérément à l’aide face aux groupes terroristes. Aujourd’hui, les troupes françaises ne sont pratiquement plus les bienvenues dans ce pays. Cette apparente hostilité (voire cette ingratitude) cache une crise socio-économique plus profonde.
Une recrudescence des attaques djihadistes
Après plus de sept ans de présence au nord Mali, la France (aujourd’hui représentée par l’opération Barkhane, suite de Serval) n’a toujours pas réussi à juguler le terrorisme dans le Sahel. Comme des oiseaux qui reviennent sur l’arbre plusieurs minutes après un coup de lance-pierres, les djihadistes reprennent du terrain au Mali. Les attaques se sont multipliées ces derniers mois et menacent désormais les pays voisins, surtout le Burkina Faso. Cette situation régressive remet en cause la stratégie déployée par la France pour venir à bout du fléau. La réponse militaire n’a-t-elle pas montré ses limites ? N’est-il pas temps d’entrevoir le problème malien dans sa globalité ?
Le Mali est classé parmi les pays pauvres très endettés (PPTE). Il est largement dépendant des donateurs internationaux. Selon la Banque mondiale, 42,7% des Maliens vivaient dans une pauvreté extrême en 2017. Et le taux de chômage était de 8% en 2018. Cette extrême pauvreté pousse les jeunes gens vers l’immigration clandestine. Pour ceux qui décident de rester, c’est le djihadisme qui les accueille à bras ouvert. En effet, c’est parmi les couches sociales les plus défavorisées que le terrorisme recrute ses combattants. Dans le centre et l’est du Mali par exemple, les djihadistes enrôlent éleveurs et agriculteurs en leur promettant un salaire plus élevé que leur maigre revenu.
La réponse militaire et sécuritaire au péril islamiste doit donc être accompagnée de projets de développement socio-économique.
« Les Occidentaux ont surtout contribué à restaurer un système inégalitaire »
Roland Marchal, chercheur au CERI de Sciences Po, note ainsi que « La réponse militaire ne peut être suffisante (…) Il faut que les pays européens aident les États sahéliens touchés par ledit djihadisme à se réformer en profondeur ». Car « Pour le moment, les Occidentaux ont surtout contribué à restaurer un système inégalitaire qui permet aux djihadistes de recruter sans difficultés ».
L’on pourrait commencer par réduire la part des dépenses militaires dans les budgets pour augmenter celles dédiées aux projets de développement socio-économiques. Par ailleurs, indique Boubacar Salif Traoré, spécialiste des questions de sécurité et de développement, les décideurs et acteurs du conflit doivent davantage concrétiser leurs engagements. Par exemple « Quand on prend effectivement la force conjointe G5 Sahel, le volet développement représenterait 69% de l’ensemble de l’initiative. Mais dans les débats, on voit que c’est l’aspect militaire qui prend le dessus. Et je pense qu’il faut très rapidement mettre en œuvre ces questions de développement. Parce que le vide laissé par l’Etat est rapidement occupé », soutient le chercheur.
Un Plan Marshall de 15 000 milliards de Francs
Au Mali, un entrepreneur et homme politique a déjà eu la solution, il y a un an. Il s’agit d’Aliou Diallo, PDG de Petroma Inc, une société d’exploration et d’exploitation de l’hydrogène naturel. A l’occasion de la campagne présidentielle de 2018, il avait proposé un ambitieux projet baptisé Plan Marshall. Ce dernier associe les approches sécuritaires et socio-économiques pour résoudre la crise malienne qui perdure.
Aliou Diallo préconise de lever 15 000 milliards de Francs (23 milliards d’euros) sur cinq ans par le biais des emprunts d’État, des bailleurs de fonds et de partenariats privé-public. Cette somme servira d’abord à réorganiser et moderniser l’appareil sécuritaire malien, afin qu’il soit plus apte à répondre aux défis nouveaux du terrorisme. Elle sera ensuite utilisée pour déployer (surtout au centre et à l’est) un certain nombre de services sociaux que le gouvernement malien n’était plus en mesure d’offrir aux populations locales. Il s’agit des centres de santé, de l’eau potable, des écoles. Bamako pourrait en outre désenclaver les communautés rurales les plus reculées à travers la construction d’infrastructures de développement telles que les routes et les centrales électriques etc. C’est en mettant plus l’accent sur ces projets de développement et en assurant une croissance plus forte et plus inclusive que les forces alliées du Sahel pourront gagner la guerre contre le terrorisme.