Condamner son pays ou se faire boycotter, le dilemme des artistes russes
Les artistes russes sont soumis à une forte pression pour prendre position, depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par leur pays. Ils doivent condamner l’agression de Vladimir Poutine pour continuer leurs activités en Europe et aux Etats Unis. Une posture qui les expose aux représailles du Kremlin. Et s’ils choisissent de se taire, ils ne sont pas mieux traités. Un vrai dilemme pour eux.
Anna Netrebko sortie de son silence pour sa carrière
Personne n’aimerait être à la place des artistes russes en ce moment. Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par leur pays, ils sont harcelés de toute part pour choisir leur camp. En Europe et aux Etats Unis, on les invite à condamner la guerre de la Russie contre son voisin au risque de se voir boycotter. Mise sous pression, la soprano Anna Netrebko a fini par exprimer clairement son opposition à l’agression de l’Ukraine, le mercredi 30 mars 2022. «Je condamne expressément la guerre contre l’Ukraine. Ma position est claire», a-t-elle dit. Elle assure même regretter ses actions ou déclarations passées.
Aperçue en 2014 avec le drapeau des rebelles séparatistes prorusses
La célébrissime artiste de 50 ans qui vit à Vienne n’a jamais ouvertement soutenu le président Vladimir Poutine qu’elle dit avoir seulement rencontré une poignée de fois dans sa vie. C’était principalement à l’occasion d’une remise de prix et lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques d’hiver à Sotchi (Russie) en 2014. Elle nie aussi avoir reçu de soutien financier du gouvernement russe. A propos de son voyage à Donetsk en décembre 2015, pendant lequel elle a posé avec le drapeau des rebelles séparatistes prorusses, l’artiste explique qu’elle y était uniquement pour soutenir les arts. Et plus particulièrement l’Opéra de Donetsk qui ne bénéficiait plus des financements de Kiev.
Le Metropolitan Opera de New York pas du tout convaincu
Grâce à sa sortie, Anna Netrebko pourra tranquillement reprendre ses concerts en Europe (Paris, Milan et Lucerne) fin mai. Mais ses explications et sa condamnation n’ont pas encore convaincu le Metropolitan Opera de New York qui maintient son retrait de l’affiche pour toute la saison prochaine. Son directeur, Peter Gelb, dit qu’il étudierait à nouveau son cas si elle montrait réellement et complètement son opposition à Poutine à long terme. Une telle demande pourrait pousser l’artiste à verser dans une fausse repentance pour attendrir le monde du spectacle et reprendre ses activités. Cette hypocrisie anime certainement le cœur de bon nombre de ses compatriotes partagés entre le patriotisme et leur fructueuse carrière en Occident.
Les artistes russes n’ont pas à se justifier
Peut-être est-ce le cas de l’actrice Masha Mashkova, qui vit aux Etats Unis. Celle-là a choisi de défendre sa carrière. Et ce n’est pas son père, un admirateur de Poutine, qui nuirait à ses plans. Son père, le comédien Vladimir Machkov, avait clamé tout son amour au président russe et à sa patrie dans un post sur les réseaux sociaux. Masha lui a immédiatement remonté les bretelles. Elle lui a demandé de stopper sa propagande et de cesser de vivre dans le monde parallèle orchestrée par le Kremlin.
D’autres sommités russes ont préféré, elles, démissionner pour ne pas avoir à prendre position. C’est le cas du chef de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse, Tugan Sokhiev, mis sous pression par le maire Jean-Luc Moudenc. L’orchestre a toutefois pris sa défense. Il s’est dit consterné par cette injonction faite aux artistes russes de devoir se justifier, alors qu’ils sont également victimes d’un régime totalitaire.