Droit de vote des étrangers : Sacha Houlié réveille un vieux serpent de mer politique
Le député macroniste Sacha Houlié a déposé mardi dernier une proposition de loi pour élargir le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales à tous les étrangers résidents en France. Se faisant, il rouvre un débat explosif et vieux de quarante ans.
Une proposition qui enrichirait le modèle d’intégration de la France
Le député Renaissance (ex-LREM) Sacha Houlié a déposé à titre personnel, le mardi 9 août, une proposition de loi visant à accorder le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales à tous les étrangers résidants en France, même non européens. Jusqu’ici, seuls les ressortissants des pays membres de l’Union européenne peuvent se présenter et voter lors des joutes locales. Expliquant sa démarche, le président de la Commission des lois à l’Assemblée nationale a déclaré que ce serait une juste « reconnaissance » envers « ceux et celles qui, bien souvent et depuis longtemps, participent au dynamisme de notre société ». Il estime qu’une telle mesure enrichirait le modèle d’intégration de la France et « ferait aussi refluer les revendications communautaires qui se nourrissent de la marginalisation ».
L’exécutif opposé au projet du député macroniste
Cette proposition a d’ores et déjà reçu le soutien de l’opposition de gauche. Julien Bayou, député EELV-Nupes, l’a qualifiée « d’évidente ». De son côté, la députée européenne Manon Aubry (La France insoumise) a annoncé que son groupe se ferait « un plaisir de la voter ». Quoique venu d’un macroniste, ce projet ne trouve toutefois pas d’écho au sein de l’exécutif. Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, a indiqué sa ferme opposition et celle de son clan, qui se serait bien passé de la polémique dans le contexte actuel. Les Républicains aussi n’y adhèrent pas. Ils ont carrément conspué la proposition.
Pour sa part, le PCF pointe l’inconséquence de la majorité. Par la voix de son porte-parole Ian Brossat, il lui reproche de partir « dans tous les sens sur le droit de vote des étrangers ». Le RN, lui, a promis une « farouche opposition » au projet de loi à la rentrée parlementaire. L’actuel président par intérim du parti, Jordan Bardella, a dénoncé le double jeu de la macronie, qui glisserait « en douce » un texte pour le rejeter officiellement. En bon leader d’extrême droite, il considère qu’une telle loi conduirait « à la dépossession finale des Français de leur pays ». Il avertit les soutiens de Sacha Houlié qu’ils « trouveront le RN sur leur chemin! ».
Une approbation de l’hémicycle et un référendum nécessaire
Ce n’est pas la première fois que le vote des étrangers aux élections municipales fait débat en France. Il avait déjà figuré dans le programme de campagne de François Mitterrand en 1981. Une fois élu, le président socialiste a finalement dû reculer car, selon lui, les Français n’étaient pas encore prêts pour cette réforme. En 2005, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur sous Jacques Chirac, avait aussi tenté le coup. Mais par la suite, il avait abandonné son projet pour le qualifier de complètement hasardeux lors de l’élection présidentielle de 2012.
Cette même année, François Hollande, à l’époque candidat socialiste à la présidentielle, avait relancé le débat en l’intégrant dans son programme de campagne. Lui aussi jettera vite l’éponge. Quant à Emmanuel Macron, il n’a pas entrepris de démarche bien que partisan d’une plus large intégration. Dans une déclaration de février 2019, il avait affirmé qu’il préférait que le droit de vote ne concerne que les étrangers résidant en France et ayant la nationalité française…Sacha Houlié le prend donc de court avec sa proposition. Pour entrer en vigueur, celle-ci devra obtenir l’approbation de l’Assemblée nationale et du Sénat, où la droite est majoritaire, puis passer par un référendum. Le chemin est donc encore long.